Carte Blanche
Mohamed El Baz
Exposition collective A Forest / La Forêt / El Ghaba
Pour sa Carte Blanche, l’artiste Mohamed El Baz convie 6 artistes de la jeune scène marocaine : Saïd Afifi, M’barek Bouhchichi, Safaa Erruas, Maria Karim, Youssef Ouchra et Ilias Selfati, à investir les cimaises du musée Mohammed VI. En plaçant l’exposition sous le signe de la forêt, Mohamed El Baz invitera le public à réfléchir à la genèse des œuvres d’art ainsi qu’aux nombreux mystères du processus créatif. Entre souvenirs enchantés de l’enfance, mémoire des morts, apparitions quasi surnaturelles ou nouvelles coordonnées d’un espace-temps devenu insaisissable, chacun des artistes donnera à voir sa vision d’un monde indéchiffrable, peut-être même en voie de s’éteindre. Au-delà du pouvoir médiumnique de l’œuvre d’art, la question sera posée de savoir en quoi le public peut encore donner sens à ce qui nous échappe et nous paraît aussi obscur que l’épaisseur végétale d’une forêt ou l’antre caverneux d’une salle de musée. Ainsi s’ouvrira peut-être à nous la clairière même du désir qui est l’autre nom de la beauté et de l’art, promesses d’un monde encore invincible et d’une paix intérieure si avidement recherchée.
Pour sa Carte Blanche, l’artiste Mohamed El Baz convie 6 artistes de la jeune scène marocaine : Saïd Afifi, M’barek Bouhchichi, Safaa Erruas, Maria Karim, Youssef Ouchra et Ilias Selfati, à investir les cimaises du musée Mohammed VI. En plaçant l’exposition sous le signe de la forêt, Mohamed El Baz invitera le public à réfléchir à la genèse des œuvres d’art ainsi qu’aux nombreux mystères du processus créatif. Entre souvenirs enchantés de l’enfance, mémoire des morts, apparitions quasi surnaturelles ou nouvelles coordonnées d’un espace-temps devenu insaisissable, chacun des artistes donnera à voir sa vision d’un monde indéchiffrable, peut-être même en voie de s’éteindre. Au-delà du pouvoir médiumnique de l’œuvre d’art, la question sera posée de savoir en quoi le public peut encore donner sens à ce qui nous échappe et nous paraît aussi obscur que l’épaisseur végétale d’une forêt ou l’antre caverneux d’une salle de musée. Ainsi s’ouvrira peut-être à nous la clairière même du désir qui est l’autre nom de la beauté et de l’art, promesses d’un monde encore invincible et d’une paix intérieure si avidement recherchée.

Saïd Afifi
Fasciné par l’archéologie et les lieux futuristes aux accents post-apocalyptiques, Saïd Afifi, né à Casablanca en 1983, met en scène dans des vidéos et des dessins aux architectures extrêmement élaborées des espace-temps insaisissables dans lesquels le passé et le futur se côtoient indistinctement. À l’image de la vidéo expérimentale Etymology réalisée en 2017, où toute présence humaine a été évacuée et où se révèle au spectateur « une archéologie qui inclut les époques à venir », comme l’écrit le romancier Yannick Haenel à propos de son travail. Chez ce lauréat de l’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan en 2008 et de l’école du Fresnoy-Studio national d’arts contemporains en 2018, le fantastique affleure sans y prendre garde ; un monde surnaturel annonçant le réel à venir. Ses dystopies fascinent par leur beauté autant qu’elles inquiètent par leur étrangeté. Passionné de cinéma, d’art vidéo et des technologies numériques, Saïd Afifi expérimente des protocoles de réalisation d’une grande sophistication comme dans l’installation immersive en 3D Yemaya dans laquelle le procédé technique de la photogrammétrie utilisé dans les domaines de la géologie et de l’architecture est convoqué.
M’barek Bouhchichi
« La poésie n’est pas finie sur cette terre, elle va continuer parce que la terre, qu’on partage et qui nous partage, continue son récit », écrivait en 2018 M’barek Bouhchichi à propos de son exposition Le Chant des champs. Né à Akka en 1975, dans le sud marocain, l’artiste vit aujourd’hui à Tahannaout où il enseigne les arts plastiques et transmet aux jeunes générations le fruit de ses recherches. Son travail, aussi bien poétique qu’archéologique, s’apparente à une véritable geste, au sens médiéval du terme désignant un ensemble de récits épiques versifiés racontant les exploits ou les légendes de hauts personnages. Geste en l’honneur ici d’un peuple noir victime depuis la nuit des temps historiques de différentes formes de ségrégation. Qu’il s’agisse des Haratines, ces travailleurs agricoles descendants d’esclaves affranchis de la vallée du Draâ ou des Imdyazen, corporations de poètes et de comédiens itinérants de langue Tachelhit. C’est aussi la figure du poète-paysan originaire de Tata, M’barek Ben Zida qui hante l’œuvre du plasticien, dont il incruste les mots sur des bâtons de bois et de cuivre afin de donner forme à la violence invisible de l’Histoire et d’immortaliser plastiquement la mémoire des damnés de la terre.


M’barek Bouhchichi
« La poésie n’est pas finie sur cette terre, elle va continuer parce que la terre, qu’on partage et qui nous partage, continue son récit », écrivait en 2018 M’barek Bouhchichi à propos de son exposition Le Chant des champs. Né à Akka en 1975, dans le sud marocain, l’artiste vit aujourd’hui à Tahannaout où il enseigne les arts plastiques et transmet aux jeunes générations le fruit de ses recherches. Son travail, aussi bien poétique qu’archéologique, s’apparente à une véritable geste, au sens médiéval du terme désignant un ensemble de récits épiques versifiés racontant les exploits ou les légendes de hauts personnages. Geste en l’honneur ici d’un peuple noir victime depuis la nuit des temps historiques de différentes formes de ségrégation. Qu’il s’agisse des Haratines, ces travailleurs agricoles descendants d’esclaves affranchis de la vallée du Draâ ou des Imdyazen, corporations de poètes et de comédiens itinérants de langue Tachelhit. C’est aussi la figure du poète-paysan originaire de Tata, M’barek Ben Zida qui hante l’œuvre du plasticien, dont il incruste les mots sur des bâtons de bois et de cuivre afin de donner forme à la violence invisible de l’Histoire et d’immortaliser plastiquement la mémoire des damnés de la terre.

Mohamed El Baz
En 2011, à propos d’une exposition intitulée Le Festin nu, en hommage au roman de Burroughs écrit à Tanger, Mohamed El Baz se demandait si l’art était « un remède ou une arme de destruction pour le monde ? » Les deux sans doute, comme le suggère le terme grec de pharmakon qui pourrait résumer à lui seul la démarche iconoclaste d’un artiste prenant plaisir à subvertir les images, aussi bien réelles que mentales, d’un monde aussi impénétrable que peut l’être une forêt obscure. Désignant à la fois un poison, son remède et un bouc émissaire, le pharmakon est analogue à la pratique artistique dont El Baz prétend qu’elle peut aller jusqu’à « altérer les mécanismes du monde ». Dernière étape en date d’un projet initié en 1993 et intitulé, en référence au philosophe Cioran « Bricoler l’incurable », le motif de la « lumière noire » apparente le travail actuel du plasticien à une véritable séance de spiritisme destinée à révéler, comme dans une émulsion photographique, les forces invisibles organisant aussi bien la vie sociale que nos vies affectives. Se déclinant selon une esthétique du fragment toujours recommencée, l’œuvre de Mohamed El Baz constitue un work in progress permanent s’amusant, au passage, à exhiber aussi le dérèglement qui préside aux lois de la création.
Safaa Erruas
Diplômée de l’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan, Safaa Erruas élabore depuis 20 ans une œuvre singulière sur fond d’absence. Dans un pays où chatoient les couleurs, l’artiste-plasticienne née à Tétouan en 1976, choisit en contre-point de recourir prioritairement au blanc, couleur qui symbolise pour elle non seulement l’absence, mais aussi « immatérialité, transparence, fragilité, voire lieu du possible ». Volontiers oxymoriques, ses œuvres frappent par la présence de matériaux connotant la blessure voire une violence souvent latente ; à l’instar de ces aiguilles, de ces lames de rasoirs ou de ces épingles traçant pour elle « des frontières indéfinies entre l’intime et le social ». Ses recherches plastiques n’ont de cesse d’interroger cette limite invisible entre la vie et la mort que représente aujourd’hui l’installation Expansion constituée de milliers de fils transparents et de cocons de soie promis à la plus belle des métamorphoses annonciatrices d’une disparition imminente. « La chrysalide, explique-t-elle dans un entretien accordé à Bouthaïna Azimi, est une sorte de cimetière qui contient la mort et la vie ». À l’image peut-être de toute œuvre d’art alliant tendresse et subversion…


Safaa Erruas
Diplômée de l’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan, Safaa Erruas élabore depuis 20 ans une œuvre singulière sur fond d’absence. Dans un pays où chatoient les couleurs, l’artiste-plasticienne née à Tétouan en 1976, choisit en contre-point de recourir prioritairement au blanc, couleur qui symbolise pour elle non seulement l’absence, mais aussi « immatérialité, transparence, fragilité, voire lieu du possible ». Volontiers oxymoriques, ses œuvres frappent par la présence de matériaux connotant la blessure voire une violence souvent latente ; à l’instar de ces aiguilles, de ces lames de rasoirs ou de ces épingles traçant pour elle « des frontières indéfinies entre l’intime et le social ». Ses recherches plastiques n’ont de cesse d’interroger cette limite invisible entre la vie et la mort que représente aujourd’hui l’installation Expansion constituée de milliers de fils transparents et de cocons de soie promis à la plus belle des métamorphoses annonciatrices d’une disparition imminente. « La chrysalide, explique-t-elle dans un entretien accordé à Bouthaïna Azimi, est une sorte de cimetière qui contient la mort et la vie ». À l’image peut-être de toute œuvre d’art alliant tendresse et subversion…

Maria Karim
Diplômée de l’École Supérieure d’Aix-en-Provence et de l’École des Beaux-Arts de Casablanca, Maria Karim se consacre désormais exclusivement à la peinture, après être passée par la photographie et la réalisation de courts-métrages. Elle débute en 2014 une série d’autoportraits saisissants dans lesquels elle se représente sous la forme de « fhoemmes » répondant aux noms d’Aria, Kärl ou Ora. Autant de figures au regard vide qui semblent nous contempler d’un au-delà encore inconnu ou inaccessible, entre angoisse transhumaniste et désorientation transgenre. Les aplats de couleurs frappent ici par leur franchise et leur netteté, à l’image de ces bleus de Berlin ou de Prusse qui représentent pour l’artiste une forme de guérison. « Ce bleu, explique-t-elle, apaise le corps. J’ai appris qu’il servait à soigner les victimes d’irradiation ». Le rouge, quant à lui, connote « la blessure et l’ancrage ». C’est aux portraits désincarnés peints par Giacometti que l’on pense devant ces toiles hypnotiques dans lesquelles la chair apparaît dans son plus tragique dénuement. À propos des boyaux qui apparaissent çà et là, Maria Karim évoque un «état-limite» du corps. La peinture comme expérience intérieure d’un état de déflagration aux accents cosmiques. Bienvenue dans la post-humanité !
Youssef Ouchra
Après des études d’infographie et d’art vidéo, Youssef Ouchra se lance dans la réalisation de films expérimentaux et de vidéos sonores. Un temps, assistant-réalisateur, ce passionné de danse contemporaine va très vite se convertir à l’univers des arts vivants plus en phase avec son tempérament d’artiste engagé. Il réalise en 2009 sa première performance Moul-i-next, à l’espace Darja de Casablanca, où il analyse, non sans humour, comment le processus bureaucratique transforme l’identité citoyenne. Ce performeur-visuel, né en 1984 à Casablanca, cherche d’autre part à capter les énergies invisibles qui relient le corps de l’artiste à son milieu et au spectateur. L’être se décline pour lui selon trois modalités : le corps mental, le corps physique et le corps spirituel que sa pratique artistique a pour tâche de réconcilier. Son travail photographique résulte de mises en scènes performatives dans lesquelles il s’engage corps et âme, à l’image du triptyque Paix-cure dans lequel le patient qu’il était a demandé à son acupunctrice de planter des aiguilles surmontées de drapeaux sur son propre corps. Activité aux vertus thérapeutiques, l’art représente pour ce cinéphile aguerri un moment épiphanique à côté duquel le spectateur est invité à s’arrêter.


Youssef Ouchra
Après des études d’infographie et d’art vidéo, Youssef Ouchra se lance dans la réalisation de films expérimentaux et de vidéos sonores. Un temps, assistant-réalisateur, ce passionné de danse contemporaine va très vite se convertir à l’univers des arts vivants plus en phase avec son tempérament d’artiste engagé. Il réalise en 2009 sa première performance Moul-i-next, à l’espace Darja de Casablanca, où il analyse, non sans humour, comment le processus bureaucratique transforme l’identité citoyenne. Ce performeur-visuel, né en 1984 à Casablanca, cherche d’autre part à capter les énergies invisibles qui relient le corps de l’artiste à son milieu et au spectateur. L’être se décline pour lui selon trois modalités : le corps mental, le corps physique et le corps spirituel que sa pratique artistique a pour tâche de réconcilier. Son travail photographique résulte de mises en scènes performatives dans lesquelles il s’engage corps et âme, à l’image du triptyque Paix-cure dans lequel le patient qu’il était a demandé à son acupunctrice de planter des aiguilles surmontées de drapeaux sur son propre corps. Activité aux vertus thérapeutiques, l’art représente pour ce cinéphile aguerri un moment épiphanique à côté duquel le spectateur est invité à s’arrêter.

Ilias Selfati
Pour Ilias Selfati, né à Tanger en 1967, lauréat de l’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan, l’homme entretient un rapport charnel et magique avec la nature. Son univers plastique se peuple de créatures hybrides et étranges dont les formes s’épousent comme par enchantement. Faunes et flores y dialoguent comme dans les peintures rupestres du paléolithique. L’un des motifs de prédilection du peintre est celui d’une forêt étrange et pénétrante, qui est aussi l’expression d’un paysage intérieur aussi candide que tourmenté. Comme chez les grands coloristes espagnols qu’il aime à citer tels que Goya ou Vélasquez, Selfati utilise la couleur afin de donner forme à un monde imaginaire dans lequel les souvenirs d’enfance arrivent à côtoyer les obsessions de l’âge adulte. Séjournant aujourd’hui entre Paris et Tanger, l’artiste cultive depuis ses années d’études à la Faculté des Beaux-Arts de Madrid, un rapport passionnel avec la culture et la civilisation hispanique. La lumière et la couleur noire entrent chez lui en perpétuelle résonance dans une secrète alchimie invitant le spectateur à élargir ses propres perceptions.